Préparation moteur – généralités
par Luc Leroy
Prépa moteur 911 Carrera 2/4/RS (1989-1994)
Le moteur
Avec ses 250 ch., un moteur de 964 a un rendement de 70 ch./L. Cela peut paraître dérisoire pour une voiture de cette catégorie, que l’on pourrait penser plus affûtée. D’autant plus de la Carrera 3L2 avec ses 231 ch. sortait déjà 73 ch./L. Il ne faut cependant pas perdre de vue que Porsche a ainsi augmenté la puissance tout en réduisant les émissions polluantes.
Ainsi, si la 964 a dû passer à 3,6 L pour offrir 250 ch, la 993 profitant d’avancées technologiques n’a pas eu à voir sa cylindrée augmenter et la 996 s’est même vue perdre 200 cm3 pour une courbe de couple plus élevée.
Préparation
De conception robuste, avec des pièces de haute qualité et correctement usinées, le Flat 6 se prête aisément à la préparation. Il n’est pas impossible de voir des moteurs dépasser les 350 chevaux avec toutes les pièces d’origine, et un bas moteur simplement ajusté. Il n’existe sans doute pas de préparateurs qui n’aient adapté de pièces Porsche sur leurs moteurs, de quelque marque fussent-ils.
Le moteur de la 964 souffre tout de même de trois défauts :
1- L’admission et l’échappement sont perpendiculaires à la chambre de
combustion.
2- Le plénum d’admission prend une telle place sous la capot
moteur que l’admission primaire s’en trouve tortueuse. La boite à air laisse
passer l’air à travers une surface réduite du filtre à air.
3- Le système d’échappement est
assez restrictif pour plusieurs raisons.
La pratique
1 - La boite à air
Dans l’ordre du passage des gaz, la boîte à air est la première restriction
rencontrée. Il suffit de l’étudier pour constater qu’elle a du être dessinée par
un stagiaire. En effet, il suffit de vaporiser une huile colorée à l’entrée de
la boite, ou bien de laisser le filtre s’encrasser un peu pour constater que
l’air admis ne passe que par une surface de quelques cm2, ce qui va jusqu’à
déformer le filtre s’il est trop sal.
Une solution vient donc à l’esprit :
Retirer ou percer le couvercle de la boîte à air.
Afin de permettre à un
maximum d’air d’alimenter le filtre à air, cela semble être la meilleure
solution (la plus radicale et la moins onéreuse). Seulement à part le bruit plus
sportif qu’offre cette solution, le 0-200 km/h est moins bon qu’avec la boîte
d’origine.
Il y a deux raisons à cela :
1- L’air le long du moteur est relativement
chaud. Et aspirer de l’air chaud revient à appauvrir le moteur (environ 3% de
puissance en moins par tranche de 8,5°C).
2- Le compartiment moteur est en dépression. En effet, la
turbine de refroidissement aspire l’air dans la partie supérieure du
compartiment moteur. Cette aspiration est en partie compensée par la vitesse de
la voiture, mais pas suffisamment. La solution la plus simple serait de faire
venir une durite d’air frais sur le filtre à air. Cela paraît difficile
compte-tenu du diamètre nécessaire et du fait qu’il faudrait percer quelque
cloison pour passer cette durite.
La solution la plus performante, ne
nécessitant pas la modification du système d’admission, consiste à modifier la
boîte à air :
- Arrondir le couvercle pour que l’air soit réparti sur tout
le filtre.
- Agrandir le diamètre de l’entrée de la boîte.
- Allonger le tube d’entrée pour qu’il vienne
chercher l’air où il est le plus frais, et où la pression est la plus grande,
c’est à dire contre la grille du capot moteur.
2 – Le plénum d’admission
Le plénum est cette araignée qui distribue l’air dans les cylindres.
Du
volume et des longueurs de ce plénum dépendent les caractéristiques du moteur.
De façon générale, plus le volume du plénum est gros, plus
les résonances acoustiques dans celui-ci ont de l’amplitude et plus le couple
sera élevé. A contrario, plus le volume est gros plus le moteur aura un temps de
réponse élevé par rapport à l’accélérateur. Les moteurs de course utilisant des
gros volumes à l’admission utilisent une admission à plusieurs papillons (2, 3
ou plus généralement 6 papillons) pour réduire au maximum le volume compris
entre les soupapes et les papillons de sorte que le moteur réagisse rapidement.
Une fois les résonances amplifiées, il convient de les accorder.
L’admission vibre au quart d’onde. Une onde de choc se propage dans
l’admission à chaque fois qu’une soupape s’ouvre et se ferme. L’admission de la
964 a un pique de résonances positives vers 5200 tours, c’est à peu près le
régime de couple maxi.
En modifiant les longueurs des différents conduits,
on intervient sur le régime d’accord des résonances ce qui permet de déplacer le
régime de couple maxi.
Si on déplace le couple vers le haut, la courbe de
puissance augmente de façon proportionnelle ce qui permet d’atteindre des
puissances dépassant les 300 chevaux mais rend le moteur pointu.
En
déplaçant le couple vers le bas, on peut rendre le moteur plus 'coupleux' (c’est
le cas de le dire) mais aussi plus puissant car on se rend alors compte que
l’accord positif à un régime l’est aussi à un multiple de ce régime. On peut
alors obtenir un moteur qui a un bon remplissage sous 3500 trs/min, un creux
entre 4000 et 5000, et une puissance élevée au dessus de 6000 tours. Cela permet
d’avoir un moteur confortable sur circuit, mais aussi capable de rouler en
ville.
Après de telles modifications, le remplissage est optimisé et il faut alors permettre à cette nouvelle quantité d’air d’entrer dans les cylindres : il faut modifier les sections du plénum.
Par endroit les passages sont trop grands. L’air y est ralenti et cela provoque des pertes de charge. Par ailleurs il est indispensable de conserver une accélération constante de la colonne gazeuse à l’admission, afin d’assurer une bonne inertie qui pourra remplir les cylindres à l’image de l’air poussé par une pompe à vélo. En d’autres endroits, le passage est trop petit ce qui accélère la colonne gazeuse de façon soudaine, provoquant d’autres pertes de charges mais surtout accentuant les effets néfastes des turbulences, dramatiques au delà de 120 m/s.
Nous ne parlerons pas du débitmètre ici, celui-ci fera l’objet d’un prochain
article.
Une
fois l’admission optimisée, le reste doit suivre.
3 - Les culasses
C’est la prochaine étape rencontrée par l’air admis.
Les quelques
centimètres autour de la soupape d’admission sont le point le plus critique d’un
moteur. Ils sont les sources de tous les désagréments du moteur 4 temps.
En effet, non contente de ne laisser passer l’air que quelques 240° par
cycle, celle-ci s’ouvre et se ferme doucement, sa levée suivant une courbe
sinusoïdale.
Cela complique énormément la tâche des motoristes car elle
impose un infinité de combinaisons géométriques possibles, avec des débits, des
turbulences et des résonances variant sans cesse. Il est donc primordial de
passer du temps sur la préparation des ports d’admission et d’échappement et des
soupapes elles-même si on veut une préparation sérieuse.
Le problème est que
cela implique la dépose et l’ouverture du moteur.
Cela ne concernant qu’un
infime minorité d’entre nous, nous n’irons pas plus loin sur ce sujet !
Toutefois nous parlerons d’un problème qui peut être en partie résolu grâce
à l’adoption de collecteurs d’échappement spéciaux : les angles de
ports.
L’admission et l’échappement sont à 90° avec la chambre de combustion.
Sur les moteurs performants, on cherche généralement à incliner ces conduits
avec le plus petit angle possible par rapport à l’axe du cylindre.
On
imagine aisément pourquoi : il faut aller remplir le fond du cylindre pour
garantir un bon remplissage.
Avec une colonne gazeuse de forte inertie
dirigée vers le fond on y arrivera mieux qu’avec une colonne arrivant à
l’équerre et à faible vitesse. C’est aussi vrai pour le vidage du moteur.
Si les gaz brûlés doivent effectuer un virage à 90°
leur vélocité sera moindre. On peut donc intervenir sur ce point en inclinant
les collecteurs d’échappement en usinant leur plan de joint, et en rectifiant
très légèrement les ports d’échappement sur les culasses. Bien ajustée, cette
modification permet de libérer les moteurs dont l’admission a été
optimisée.
4 – L’échappement
Elément privilégié des porschistes, puisqu’il intervient directement sur la
sonorité du moteur, l’échappement de la 964 souffre de problèmes que l’on ignore
souvent :
Alors
que tous les préparateurs s’accordent à fournir des by-pass au nom de la
restriction à l’échappement, il me semble important d’en faire une étude plus
complète. Les outils logiciels de simulation sont alors d’une aide
précieuse.
L’échappement de la 964 est constituée de cinq parties importantes :
Le ‘reste’ doit être le moins restrictif possible. Donc by-passes et pots sport y trouvent leur légitimité.
Le collecteur droit a des conduits de longueurs différentes. Cela peut paraître gênant mais bien au contraire on y trouve son compte puisque les accords se faisant à des régimes différents, cela a tendance à élargir la courbe de couple (certes à l’aplatir aussi) à bas et moyens régimes. Mais d’un point de vue débit, le collecteur est bon.
Le collecteur gauche a la même particularité. Le défaut de ces collecteurs
réside en fait dans la jonction des trois cylindres.
En effet, on a une
jonction de type 'résonateur' et pas 'mélangeur'.
Le principe du résonateur
est la rupture franche des conduits, qui sont soudés dans une section plus
grosse.
Le mélangeur, lui, va assurer un progression entre la section de
chaque tube primaire et la section secondaire, profitant de l’occasion pour
former un court venturi qui va accélérer la colonne gazeuse et ainsi empêcher
des retours de contre-pression d’un cylindre vers l’autre.
Le résonateur profite de l’effet Holmtz (onde
de choc qui vibre au quart d’onde comme à l’admission). Cet effet positif à
certains régime est malheureusement proportionnellement néfaste à d’autre
régimes, et de plus facilite les problèmes de contre-pression à bas et moyen
régime.
Le collecteur droit donne dans un tube secondaire. Ce
qui l’isole des résonances et contre-pressions générées par le collecteur droit.
Ce dernier par contre donne directement dans le tube secondaire qui lui est
sous pression constante à cause du collecteur droit.
De plus la jonction du collecteur gauche avec le tube
secondaire manquant de place, elle est assez médiocre et favorise là encore les
problèmes de contre pression.
Il conviendrait donc d’intervenir au moins sur la
jonction tube secondaire/collecteur gauche en insérant un tube secondaire de
quelques centimètre à la sortie du collecteur gauche (j’ai calculé 11 cm pour
rester dans les régimes de travail du moteur) avec un venturi permettant de
protéger le collecteur gauche des contre-pressions et résonances du collecteur
de droite.
La même solution doit être
retenue pour la jonction des deux tubes secondaires afin d’éviter les pertes de
charges et les résonances.
Ces quelques modifications du moteur de la 964 permettent de dépasser la barre des 300 ch. avec un moteur entièrement d’origine. Seules des interventions sur le boîtier d’injection et le débitmètre sont nécessaires. Avec une admission largement modifiée, le travail nécessaire effectué sur les ports d’admission et d’échappement, et une ligne d’échappement spéciale, ce même moteur conservant 95% des pièces d’origine est capable de sortir 350 chevaux.